Seul dans la forêt ? Pas forcément une bonne idée...[Libre]

Spoiler:

Bien qu'il soit ces jours-ci un mercenaire, l'éducation qu'Hiroshi avait reçu étant enfant était celle d'un aristocrate. Il était normal pour lui que les riches dominent les pauvres, car il fallait bien des lois pour créer une société, et il fallait du temps et des connaissances pou gouverner, ce que les paysans ne possédaient pas. Et si, dans les endroits trop lointains pour que le roi exerce convenablement sa justice, c'était les familles aristocratiques comme les Takumi qui géraient les affaires de loi, au final, le pouvoir revenait malgré tout à sa majesté, car après tout, s'il était roi, c'est qu'il avait les compétences pour, n'est-ce pas ?

Mais... Exécuter quelqu'un pour braconnage, était-ce vraiment sage ? N'était ce pas mieux de forcer ce genre de personne à faire des travaux d’intérêts généraux, comme c'était le cas dans ses souvenirs d'enfance, lorsqu'on amenait à son père un criminel ? Ou même, dans les alentours de l'auberge où il avait travaillé après sa fugue, les gardes fermaient volontiers un œil lorsqu'un paysan essayait de remplir les écuelles de sa famille avec quelque chose d'un peu plus nourrissant que ses maigres récoltes. Pourtant, le roi préférait punir par la mort ce crime mineur. Et si c'était là la décision du roi, alors son seul choix était de se lamenter de son manque de connaissances et de se livrer.

Et pourtant... Et pourtant, il était là, à se demander lequel des gardes attaquer en premier. Parce que même si sa vie valait certainement moins que le soldat à la lance, là bas, un jeune à peine plus âgé que lui et surement enrôlé de force ou sous la pression de ses parents, ou que l'épéiste incertain, sans doute un nouveau... quelque chose brûlait en lui, une envie de vivre, non, de survivre même, et l'incitait à aller attaquer ces deux proies plus faibles que lui, tuer ses ennemis avant qu'ils ne le tuent, lui, qui se soucie de la justice face à la loi du plus fort ? Mais même avec l'effet de surprise, un fois débarrassé d'un garde, il ne pourrait rien contre les autres, trop puissants pour lui. Le seul avantage qu'ils pouvaient avoir sur eux, c'est la magie que les chevaliers pour la plupart ne maîtrisaient pas. Mais Hiroshi n'avait que quelques capacités passives, rien pour attaquer, et Minaku...

...Minaku le regardait de l'air ferme de ceux qui viennent de prendre une décision importante.

"Hiroshi ! L'opération va être délicate ! Il ne faut pas que tu t'éloignes de moi !"

C'était rassurant, cette façon qu'elle avait de donner des ordres, une leader née, bien plus que lui qui avait fuit les responsabilités que lui donnait son nom de famille. Peut-être... Peut-être qu'ils avaient une chance de s'en sortir. Peut-être même qu'il pourrait soutirer quelques objets à ces chevaliers pour les revendre plus tard.

"Je vais faire un sort pour utiliser mon bouclier qui créera un cercle de protection autour de nous ! Une pluie noir va tomber, si les gouttes te touchent, tu fondras ! Donc trouve un moyen pour que pendent ma concentration, aucune goutte ne te touche !"
Ou peut-être qu'il allait simplement mourir, parce qu'il n'avait aucune idée de comment exécuter ces ordres. Il devait éviter des gouttes de pluie ? Et comment était-il sensé faire ça, s'il ne pouvait pas s'éloigner d'elle pour chercher protection ? Un être humain normal n'était pas assez habile ni assez rapide pour éviter quelque chose d'aussi dispersé tombant du ciel, ou tout du moins pas un gars comme lui plus habitué à manier des choses lourdes que d'aller rapidement. Mais il lui fallait bien trouver quelque chose, et même pas quelque chose de son sac au milieu des gardes ayant dégainé leurs armes, près à attaquer. Mais qu'avait-il sur lui ? Sa hache... Une bourse avec quelques pièces...

"PLUIE DES TÉNÈBRES !"

...Les deux peaux de lapin. Deux peaux épaisses, de bonnes qualités, certes petites mais avec une étendue nécessaire pour protéger sa tête s'il les tendait au dessus de lui. C'était ridicule, bien sûr, comment deux peaux pouvaient le protéger des grosses gouttes sombres qui coulaient du ciel et tombaient comme des billes de métal, suffisamment rapides pour qu'il lui soit difficile de les esquiver totalement ?

Et bien, il faut supposer qu'il avait de la chance, n'est ce pas ? Que cette maigre protection, maintenant fondue en un amas qui lui collait aux mains, avait suffit à ce qu'il en sorte indemne, il n'y avait pas d'autres mots pour désigner cela. Cela serait même un miracle, si, maintenant qu'il était dépourvu de quoi que ce soit, quelque chose se passerait pour le protéger...

"Hiroshi ! Désolé, mais je dois procéder ainsi, pour que la barrière nous protège tout les deux ! "

L'improbabilité de la situation mêlé aux précédentes poussées d’adrénaline le laissait légèrement hébété, trop en tout cas pour profiter d'être collé à un corps chaud aux vêtements humides -c'est vrai, elle les avait déjà comme ça lorsqu'elle était intervenue, n'est ce pas ? A croire qu'elle s'était baigné avant de venir-, pas plus qu'il ne pouvait se détendre au son de sa voix adoucie.

"Ne les regarde pas Takumi, cela n'est pas beau à voir."

Il y avait longtemps que l'on ne l'avait pas désigné ainsi, par le nom d'une famille désormais si éloignée de lui qu'il s'était demandé s'il ne devrait pas tout simplement s'en détacher complètement, et malgré le stress et le danger, ou peut-être à cause d'eux, un sourire se forma au coin de sa lèvre.

Puis il tourna la tête sans faire exprès et son sourire disparu.

La mort... la mort ne lui était pas un concept étranger. En tant que cuisinier, il avait lui même tué personnellement multiples vollailles et poissons, avait assisté à l'égorgement de cochons pour recupperer le sang pour le boudin, et même un fois executé un cheval dont de multiples os avaient été brisés par une chute. Non, même avant cela, il avait déjà vu des corps, n'est ce pas ? Avant sa fugue. Lorsque la chatte d'une servante des Takumi, que la famille aristocratique laissait en vie pour ses compétences de chasse, avait accouché, les chatons avaient été noyés sous ses yeux et celui du fils de la dite servante. Il avait vu les poules se délecter des vers de ces corps décomposés, quelques jours plus tard. Il ne goûta pas a coq au vin de ce soir là. Et puis, les pendus laissés à l'entrée du village, mangés par les corbeaux... Depuis tout petit, au fond, même sans y faire attention, les corps l'entouraient. Mais c'était normal. Certains mourraient et étaient mangés par d'autres, qui serraient à leur tour mangés... Le grand cycle de la vie. Même s'il pouvait en être choqué sur le moment, il n'avait aucune raison de le rester.

Mais ces morts... Ces morts n'avaient rien de naturelles. Aucune bête ne viendrait se nourrir de ces cadavres fondus qui disparaissaient peu à peu. Aucune plante ne s'alimenterait de ce terreau improvisé, pour la simple raison qu'il n'y en avait ni terreau ni plantes, juste un sol noir et nu. Sa gorge se serra et son estomac se tordit, mais il se retint de succomber à la sensation de nausée. Il ne pu même pas se rejouir pleinement de voir ses affaires indemnes. Un tel gâchis... Était-ce sa faute ? Aurait-il du fuir et laisser la jeune fille, qui n'aurait peut-être pas pris de tels risques ? Remarque, c'était elle qui avait choisi un tel sort, au lieu de quelque chose de paralysant ou qui les aurait bloqués, le temps qu'ils fuient...

...Non. C'était lui qui avait réclamé son aide, il devait au moins accepter ça. Non, même, il s'agissait d'un simple quiproquo, dans la panique, il n'avait pas réfléchit à si Minaku avait de tels sorts, il lui avait juste demandé d'agir. Oui, il s'agissait d'un accident, personne n'avait à prendre de responsabilités pour personne. Hiroshi regarda la jeune magicienne maintenant par terre, toujours recouverte de son sang, affaibli, et se dit que oui, c'était la meilleure solution, prétendre que c'était un accident, que ces corps fondus n'étaient la faute de personne, et surtout pas la sienne.

"Tu sais où on est ?"

...C'était une bonne question. Il regarda brièvement autour de lui, en prennant soin d'éviter de poser les yeux là où se situaient auparavant les gardes. Mais il savait déjà qu'il ne trouverait aucun répère dans cette forêt où il n'avait jamais mit pied auparavant.

"Bein... J'ai p'être une vague idée d'où nous sommes situés, mais c'est pas comme si j'avais une carte des lieux... Étrange, d'ailleurs, qu'il n'en existe pas, ils devraient bien payer quelques guerriers avides de quêtes pour... Enfin, on m'a indiqué plus ou moins la direction du village, mais je ne sais pas si c'est une bonne idée, enfin, les traces de mon 'braconnage' ont disparus ainsi que les témoins, donc pour moi ça devrait aller, mais... Semblerait que tu sois recherchée, hm ? Ceci dit, je suis pas vraiment du coin, donc... Hormis le village, qui doit être... Par-là ?... Je n'ai aucune idée des autres endroits où il serrait possible d'aller..."

Il prit son sac en parlant, faisant de vagues gestes de la main pour indiquer d'hypothétiques directions, puis le mit sur le dos avant de se planter devant elle.

"Bref, on n'avancera pas à grand chose en restant ici. Pis je sais pas si le sort que t'a lancé est chose courante par ici, mais suffit qu'un type s'y connaisse un peu pour deviner ce qu'il s'est passé, et dans ce cas là, j'aimerais pas être dans les environs."

Il attendit qu'elle se lève, avant de comprendre :

"Ah, t'as plus la force de marcher, c'est vrai... Bon, et bien désolé..."

Allait-il l'abandonner ? Non, bien sûr. Juste la prendre dans ses bras, une main derrière la tête et une autre au niveau des jambes, à la façon d'une jeune mariée. Ce n'est pas vraiment comme s'il n'avait rien sur le dos, n'est-ce pas ? Oh, il pourrait inverser les lanières et glisser le sac contre sa poitrine, mais il était juste plus simple de porter les choses lourdes à l'arrière, et Minaku... était surprennement lègere. Était-ce permis pour une jeune fille d'être aussi maigre ? Si jamais ils ne se séparaient pas avant le soir, il faudra qu'il fasse un sorte de lui faire avaler un peu plus à manger ! Enfin, pas trop quand même. Après tout, il n'était pas rémuneré. Enfin, ce n'était que dans l'hypothèse où ils serraient ensemble à la fin de la journée, même si cela risquait probablement d'arriver s'ils ne cherchaient pas à partir d'ici.

"Bon... Une idée par où commencer ?"